Le soleil déclinait à l’horizon, et dans sa chute, il entraînait les derniers vestiges de ma volonté. Si j’étais capable d’afficher un sourire factice tout au long de la journée, dès lors que les ténèbres s’abattaient sur la ville, la douleur revenait me hanter. Elle me déchirait le cœur et écrasait mes poumons. Un supplice dont j’avais trouvé le remède dans un verre d’alcool et mon salut dans les pilules quotidiennes que j’ingurgitais, juste pour faire taire les souvenirs. En traînant le pas, le cœur n’était pas à la séduction, l’envie de jouer m’avait déserté et ce fut sans grande conviction que je poussais les lourds battants recouverts d’un velours miteux pour aller m’installer au comptoir le plus proche. D’un coup d’œil, je mirais le bois dont le vernis s’écaillait par endroit, avant de m’en approcher, le regard dans le vide comme hypnotisé par la lumière des appliques jaunies par le temps. Je ne l’avais pas aperçu, à vrai dire, je m’étais seulement contenter de passer les portes en quête d’un peu de réconfort liquide, une dose capable d’assommer le corps et l’esprit.
Sans plus de force, je me laissais tomber sur l’un des tabourets abîmés pour commander. « Ce que vous avez de plus fort. » lâchais-je simplement. Je voulais brûler ma gorge à en pleurer. Je voulais juste ressentir la douleur physique de ce mal psychique qui me rongeait. Et comme si cela ne suffisait pas, il avait fallu que je détourne le regard pour croiser le sien. Traître… pensais-je. Peu importait le temps qui s’était écoulé, je pouvais trop facilement le reconnaître, l’ami d’autrefois... le lâche d’aujourd’hui. Si j’ignorais tout de ce par quoi il passait, je me fichais de connaître son histoire. La seule chose qui m’importait était qu’il avait fui, quand j’avais eu désespérément besoin d’un soutien, il s’était volatilisé comme un couard.
La défiance affluait dans mes veines et me forçait à soutenir son regard tandis que je m’octroyais une gorgée de l’alcool dont je ne reconnaissais pas le goût. La colère, cette douce amie choisissait ce moment précis pour me posséder. Elle qui ne me quittait jamais, me poussait régulièrement à commettre des actes dont je ne parvenais pourtant pas à en éprouver le moindre remord. Elle guida mon bras pour reposer avec fracas le verre dont une partie du contenu s’échappa sous le choc. Et en guise de salutation, après tant d’année à errer sans le soutien de celui que je pensais être mon ami, je lui offrais mon majeur agrémenté d’un sourire narquois et douloureux.
CODAGE PAR AMATIS
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Re: Old friendship ▬ Hyeon Jun   Sam 25 Sep - 18:09 
Le déclin de la lumière était un bon indicateur qu'il était temps de poser tes outils de côté. Une valeur certaine quand on voyait l'avancement de la précieuse bague qu'un autre offrirait à sa bien aimée. Tu n'en avais créé qu'une, une seule pour ta propre utilisation et elle prônait encore dans sa boîte chez toi. Combien de temps avais tu passer dessus à polir chaque recoin, vérifier les détails une centaine de fois ? Pour la femme qui comptait le plus pour toi et qui maintenant te méprisait. Tu avais tout perdu à écouter des gens qui ne voulaient qu'un héritier. En voulant vivre tranquillement tu avais tout abandonné. Ta famille, celle qui comptait, tes amis, ta ville, ta passion. Ce qui te tenait aujourd'hui étant incertain. Les bijoux ? Avoir ta vengeance pour ta soeur ? Retrouver ta vie ? Un brouillard sans nom occupait ton esprit depuis que tu étais revenu oubliant même ces connaissances qui avaient partagé bons et mauvais moments. C'est avec l'esprit encore dans cette brume désagréable que tu quittais ton atelier. Une direction inconnue, menant tes pieds à arpenter les rues. Où était il ? Que faisait il ?
A force de le suivre tu semblais oublier ta propre vie, te retrouvant devant un bar sans même comprendre comment. Ton regard détaillant une nouvelle fois ces portes battantes que tu avais tant vu s'ouvrir et se fermer sur un homme qui te répugnait, tu empruntais le même chemin, oubliant des convictions qui te poussaient pourtant à le suivre. Ce soir pourtant il n'était pas là, peu importe où ton regard se posait, il n'y reconnaissait personne, lorgnant sur des silhouettes inconnues, buvant à en perdre haleine, à en perdre la tête. Sûrement ce que tu avais besoin ce soir. Un coin sombre et proche du mur, un coin te permettant d'observer toute la salle sans en être dans la lumière, un coin pour les gens comme toi, qui disparaissaient aussi bien qu'ils venaient devant vos yeux.
Regard que tu connaissais qui croisait le tien. Regard qui te fit t'arrêter, le souffle coupé. N'avais tu pas d'amis ? N'avais tu pas de connaissances ? L'avais tu oublié ? Ou la vie t'avait ordonné de t'occuper d'autre chose ? De changer ? Peu importe la raison tu ne cessais de le détailler, lui et les années qui vous séparaient. La colère déformant un visage que tu avais pourtant admiré pendant des années. Une attitude presque trop loin de la personne qu'il était. Tes mains s'appuyant sur la table pour te relever tu observais ce majeur fièrement levé devant toi, comme une promesse muette de te détester. Quelle attitude avait il ? Une gorgée à peine avalée. Des pas lourds qui revenaient vers lui, une voix grave que tu ne cherchais pas à changer, ou agrémenter de tons différents. " Ca fait longtemps.. pour être accueillis par un doigt. " Pouvais tu lui en vouloir ? De te détester autant que ton attitude avait été détestable ? Prenant son verre dans un geste assuré, tu prenais une gorgée , une grimace formée sur un visage souffrant. " C'est dégueulasse. "